Le danger communiste
31 Octobre 2008
Un dimanche en fin d'après-midi, nous venions de finir l’appel, et étions prêts à partir chacun vers nos secteurs, quand soudain...
« Changement de programme ! Tout le monde en tenue de maintien de l’ordre, casque, bouclier, grande trique et tout le merdier, vite !
- Hé bien, mais que se passe-t-il ?
- Que se passe-t-il ? Les élections municipales, voilà se qui se passe. Et la mairie de C. vient d’appeler la salle de commandement, ils craignent des manifs, des rassemblements, des émeutes, une guerre civile, un conflit thermonucléaire peut-être, allez savoir !
- Et évidemment, il n’y avait plus que nous en effectifs disponibles...
- Et voilà ! Ils nous veulent, ils nous réclament, ils exigent, ils ordonnent qu’on y soit rapidement. Les communistes ! Les communistes, qu’ils disent !
- Ils se sont enfermés, là ? Ils ont mis des herses ?
- Mais dépêchez-vous bordel de merde au lieu de dire des conneries, et toi fonce au matériel récupérer les fusils lance-grenades et tout le tremblement ! »
Du coup, nous avons embarqué dans un gros car gris, sapés comme pour aller à la guerre.
« Quelqu’un a amené un tarot ? »
Il était rare que nous soyons tous ensemble, on a rangé les boucliers, les casques, et les sacs de grenades à coté de nous, et on s’est regardés en rigolant.
« Ce soir on joue « Dans la peau d’un CRS » ! Ha ha ! »
Les rues étaient calmes, le car roulait en direction de la mairie, et on regardait vaguement s’il y avait quelque part sur les trottoirs, par hasard ou par chance, des agitateurs porteurs de banderoles et de tracts.
« La soirée va être longue... »
À mesure que nous approchions du centre ville, nous nous sentions un peu déplacés dans notre car d’un autre âge, gris et grillagé. Jamais un dimanche n’avait été plus calme.
« C’est une feinte. L’armée rouge est cachée. Ils sont très forts ces communistes. »
Les passants vivaient leur dimanche jour de scrutin paisiblement, il n’y avait aucun signe de quoique ce soit d’inquiétant, le rassemblement le plus nombreux que nous ayons vu était fait de trois enfants échangeant des cartes Pokémon.
« Le communiste des Hauts-de-Seine est une bête furieuse, tout le monde sait ça. »
Après avoir fait trois fois le tour de la mairie, et averti la salle de commandement, et les deux gardiens de la paix ilotiers de faction, que nous étions de le coin, nous avons décidé d’aller patrouiller un peu plus loin, au cas où des émeutiers se tiendraient en embuscade, prêts à déferler sur la ville et prendre la mairie d’assaut.
« Je commence à avoir la dalle, pas vous ? »
Nous avons poursuivi notre route jusqu’à une cité, aussi calme que les quartiers que nous venions de traverser. Il allait falloir attendre la fermeture des deux bureaux de vote, la fin du dépouillement des bulletins, et l’annonce du résultat pour renoncer à voir une guerre éclater.
« Il nous faut une guerre. Ce soir. »
Alors de guerre lasse, nous avons mis les casques. Nous avons baissé les vitres du car et sorti les matraques. Et tous ensemble, tout autour de la cité, nous avons brandi les matraques par les fenêtres, et frappé la carrosserie du car en criant :
« La Bourgogne aux escargots ! La Bourgogne aux escargots ! »
Après quoi, nous sommes allés garer le car derrière la mairie, et on a mangé des pizzas en restant aux aguets, attendant que fut proclamé le résultat de l’élection municipale.
Le nouveau maire était communiste, et on a pu rentrer à la maison.
FLG : Fusil Lance Grenades
Trique : matraque
extrait de Police Mon Amour