Uzi

6 Décembre 2007

mini uzi

  En plus de cette bonne vieille MAT49 qu’on démontait et remontait les yeux fermés depuis nos premiers pas dans la police, le service était doté de pistolets mitrailleurs de marque Uzi. La fameuse et très esthétique mini Uzi. La mythique mini Uzi. L’adorable mini Uzi qu’on pouvait presque mettre dans la poche.
  La mini Uzi ne servait qu’à certaines missions, à titre d’arme de destruction massive à objectif dissuasif. Je n’ai jamais entendu dire que la mini Uzi avait fait entendre de la voix dans les rues du département, même en cas de casse du siècle. Elle ne s’adressait pas au peuple et préfèrerait s’exhiber devant certaines élites.
  La mini Uzi était faite pour être élégamment portée, petite et compacte ainsi que son usine l’avait conçue, elle était du plus bel effet. Les jours de sortie de la mini Uzi, la panoplie comprenait alors en plus de cette arme très mignonne et très légère, un gilet pare-balles très moche et très lourd. Et c’est ainsi équipés que nous assurions des gardes statiques plus délicates que d’autres, ou des escortes particulièrement sensibles.
  Qu’elle était belle et racée cette mini Uzi… la courbure délicate de sa fine crosse repliée sur son corps à l’ergonomie parfaite, le métal de sa structure lisse et douce qui avait su éviter la vulgarité d’une brillance excessive, son petit canon court et arrogant, sa poignée qui donnait envie de la saisir, ne plus la lâcher, et lui enfiler un chargeur de 9mm.
  Remarquable de raffinement et de sobriété, qu’elle était belle…
  Tout de cette arme intimait respect, admiration et affection. On aimait travailler avec elle, même si elle ne servait à rien.
  Elle avait toutefois un petit défaut. Juste au dessus de la détente, se trouvait un sélecteur de tir qui déterminait selon qu’il soit poussé ou pas, si l’arme allait parler au coup par coup ou en rafales. La miniaturisation était telle qu’il arrivait que sans s’en rendre compte, un pouce trop distrait ou trop engourdi posé sur la bête la convainc de se mettre en mode sulfateuse. C’est ainsi que, convoqués en stand de tir afin d’y démontrer nos performances en tir de précision à la mini Uzi, un collègue et moi, de concert sur la même ligne de tir, avons rectifié le plafond du stand par deux belles rafales parfaitement symétriques. La cadence de tir était telle, que le chargeur était vide avant que le message d’erreur ne nous arrive au cerveau. De la même façon, il était arrivé que dans nos locaux, au dessus du bac à sable où il convenait d’effectuer des manipulations de sécurité avant de remiser l’arsenal au placard, des rafales fussent tirées jetant immédiatement à terre les fonctionnaires de police présents, à plat ventre les mains sur la tête par un ultime réflexe de survie, ou alors roulant sur eux-mêmes jusqu’à la planque la plus proche pour les anciens militaires plus réactifs aux tirs de guerre. Charmante mini Uzi, petite mais malicieuse et forte en gueule…
  En voiture, elle voyageait dans la boite à gants. C’est aussi depuis cet écrin où les mains qui la tenaient l’avaient délicatement déposée, qu’un jour elle s’était exprimée, secouant violemment le véhicule et son équipage. Belle mais salope, la mini Uzi. 

extrait de Police Mon Amour

Bénédicte Desforges

#chroniques d'un flic ordinaire

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